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31 mars 2009

MAURICE JARRE: L'ADIEU A UN GEANT

Image_Maurice_JarreGéant. Pour une fois le mot n’est pas trop fort. Il est même singulièrement adapté. La musique de Maurice Jarre avait la générosité, le souffle naturellement ample et puissant des natures hors normes : une sorte de trop plein d’énergie, et toujours, une présence immédiate et fascinante. Je pense aux cuivres déchirés et aux percussions métalliques sur fond de pics himalayens dans L’HOMME QUI VOULUT ETRE ROI, à l’étrange musique acre de JUDEX ou au parfum automnal du CERCLE DES POETES DISPARUS; Jarre, c’était une voix orchestrale, un style, un son inimitables, immédiatement identifiables. Alliant dans ses meilleurs moments puissance, lyrisme et un sens exceptionnel de la couleur instrumentale, sa musique a fait la part belle à l’exotisme musical. De ce point de vue, LAWRENCE D’ARABIE reste l’un des rares vrais grands chefs d’œuvres de la musique de films, mais ne doit pas faire oublier ENEMY MINE, TAI PAN ou GORILLES DANS LA BRUME.

 

Ce style a évolué bien sûr. Les petites formations instrumentales, le ton volontiers acide, ironique, décalé de ses premières partitions de cinéma (celles des films de Franju par exemple) a progressivement laissé la place à un langage symphonique plus opulent, plus romantique, plus traditionnel (en un mot plus hollywoodien), mais toujours marqué de la griffe du maître.

 

Lawrence_d_ArabieOn reste admiratif et quelque peu incrédule devant l’ampleur et la diversité de l’opus qu’il nous lègue, comme devant l’œuvre de certains compositeurs du XVIIIème siècle (qui écrivaient eux aussi une musique « fonctionnelle »). Et devant sa volonté de renouvellement : après avoir été, au même titre qu’un Jerry Goldsmith, un des maîtres de la fresque orchestrale, il se tourne de plus en plus vers les synthétiseurs au cours des années 80 et nous donne certaines de ses plus belles réussites, amenant par la même occasion avec son «ensemble électronique», une conception renouvelée et enrichie de l’instrumentation pour le cinéma, comme le prouvent WITNESS ou MOSQUITO COAST, tous deux réalisés par Peter Weir.

 

Quelle richesse aussi dans le parcours du musicien : percussionniste dans les orchestres parisiens de l’après-guerre, compositeur de théâtre (et pas le moindre, le TNP de Jean Vilar et la Compagnie Renault-Barrault), associé à l’avant-garde musicale des années 50 puis au jeune cinéma français de l’époque. Aimant à puiser aux styles populaires (valses et marches sont indissociables de son style), il est aussi le compositeur plus moderne, atonal, de SOLEIL ROUGE ou de la Passacaille à la mémoire d’Arthur Honegger, celui capable de déchaîner les plus furieux orages orchestraux (la scène des singes dans LA ROUTE DES INDES), l’artiste attiré par l’expérimentation et les combinaisons instrumentales les plus bizarres (certaines pages de LA FILLE DE RYAN ou CROSSED SWORDS).

 

Soleil_RougeSans doute, dans une œuvre aussi abondante, l’inspiration est parfois inégale, le recyclage pas toujours absent, mais d’un bout à l’autre de ce fabuleux parcours, Jarre nous a donné régulièrement des joyaux dont la force d’expression et l’originalité de conception dépassent largement le cadre du film : en plus de ceux que nous avons cités, mentionnons encore, presque au hasard, LES DAMNES (1969), LE TAMBOUR (1979), L’ECHELLE DE JACOB (1990), jusqu’à UPRISING (2001), sa dernière composition pour le cinéma.

 

Comme peu de musiciens, Maurice Jarre aura finalement exprimé une chose simple mais inégalable: la joie de composer.

 

Stéphane Abdallah

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